Suzy Storck

Suzy Storck, by French playwright Magali Mougel, directed by Jean-Pierre Baro, recently opened at the Gate Theatre.

The play plunges us into the title characte’s life. Literally. Watch your step as you make your way through the toy-littered floor of Cecile Tremolière’s set.
Performed by the magnetic Caoilfhinion Dunne, Suzy Storck carries the weight of the world. She lives with a man (Jonah Russel is utterly believable as Hans Vasilly Kruez) who doesn’t take ‘NO’ for an answer when she claims not to want children. He makes her give up her job and bullies her into getting pregnant with accusations of being ‘unnatural’ in her lack of maternal drive.
Suzy and Hans both evolve in a world where choice is tragically inexistent -their only options being to work either ‘in chicken’ or ‘in rabbits’…
However, Hans is still able (or rather, allowed) to exert his desire in the private sphere and to impose it on his partner. The passage on how he ‘comes’ into her and ‘does what he has to do’ is as weighty as his body must feel to her on that night and skilfully delivered by Theo Solomon as the chorus.
Suzy Storck (we will never really find out more about her than her name) is reduced to the state of receptacle for Hans’ reproductive urges and for society’s expectations. These are also embodied with terrific presence by Kate Duchene as Mme Storck (Suzy’s mother). Having children ‘is no bed of roses’, as Mrs Storck likes to repeat, and yet, she will not let her daughter off the hook: she will have grand-children.

During just over an hour, we see a woman being systematically dispossessed of her own mind and body. ’The baby’s crying. I give him my breast. The one that hurts less. (.… ) And up goes my arm and switches on the coffee machine. And up goes my arm and switches on the toaster, And up goes my arm ….’ The point of the production and it achieves it with great success, is that we are right there, in the middle of it all, watching this woman’s every nerve as it tweaks and snaps under the pressure.
Sitting through it is, at times, painfully funny. Maybe because it is so relentless? There is also a streak of dark humour in Magali Mougel’s exposition of family dynamics and social oppression.
But Suzy Storck is above all a deeply moving experience which creates a real communion between the audience and the main character. The moment when Suzy sinks to the floor and starts picking up the kids’ toys… when we get to help her tidy up the place… will stay on my mind for a long time.

Suzy Storck is on at the Gate Theatre until November 18th.

French Interview

Ahead of opening night, the director, Jean-Pierre Baro, spoke to me about the play and his impressions on working in the UK for the first time.

Jean Pierre_Gate Suzy Storck rehearsals

Comment est née l’idée d’amener la piece à Londres?
C’était pas une idée, j’ai eu beaucoup de chance.
Ellen McDougall (la nouvelle directrice artistique du Gate Theatre) me l’a proposé et je suis très flatté d’être dans sa première saison.
On s’était rencontré à New York, il y a quelques années, pendant un labo de mise en scène qui réunissait des metteurs-en-scène européens et anglo-saxons. Depuis, elle avait vu mon travail en France et dès qu’elle a pris la direction du théâtre, en juin dernier, elle a eu le désir d’inviter des metteurs-en-scène de théâtre européens. Elle m’a initialement proposé de reprendre une adaptation de Woyzeck que j’avais réalisée il y a quatre ans en France. Mais lorsque j’ai eu le texte de Magali Mougel, je me suis dit que ce serait une belle idée de le monter en Angleterre et au Gate Theatre en particulier. La pièce a des vertus politiques qui m’intéressent profondément et j’ai trouvé que c’était intéressant de la présenter au Gate, étant donné l’histoire de ce théâtre. C’est là, par exemple, que Sarah Kane avait crée Phaedra’s love.
Toute la période ‘In Yer Face’ a marqué le théâtre britannique et m’intéresse beaucoup. La question sociale, la question de la place est vachement abordée en Angleterre, elle est tout le temps là. En répétition, on parle beaucoup de ça avec Ellen et les acteurs.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’histoire de la pièce?

C’est l’histoire de Susy Storck. C’est une femme qui prend la vie telle qu’elle est. Elle a juste un désir, celui de ne pas avoir d’enfants. Mais elle fait la rencontre d’un homme, peut-être le premier à lui avoir souri dans sa vie- et elle a trois enfants avec lui. Un jour elle fait ‘une faute d’étourderie’ et laisse son bébé tout un après-midi dans un jardin en plein soleil.
Suzy Storck est quelqu’un qui ne sait pas dire non aux injonctions de la vie économique, sociale et amoureuse. Elle n’a jamais appris à réfléchir son propre désir et à s’opposer à ce qui va a l’encontre de celui-ci. De ce fait, la pièce est un drame social mêlé à une tragédie, une sorte de Médée contemporaine.
Ce qui est vraiment hyper intéressant dans le texte de Magali, c’est qu’elle passe par plusieurs modes d’écriture. Son texte fait référence au théâtre antique mais est aussi extrêmement cinématographique. Les scènes sont dans le désordre et c’est aux spectateur, comme au metteur-en-scène, de réagencer le fil de l’histoire. Comme dans un film d’Alejandro Iñarritu, comme Amores Perros ou Babel.
Si Suzy Storck résonne avec la culture anglaise, Magali ne traite cependant pas la question sociale de manière réaliste, à la Ken Loach ou à la Mike Leigh… On est plus chez Godard où les personnages nomment leur condition sociale. Il s’agit d’une pièce qui traite du déterminisme social, où l’on réinvente notre capacité à refuser, à savoir dire ‘non’ à ce qui nous oppresse. Magali le fait avec une langue extrêmement poétique et parfois très naturaliste, ce qui rend son écriture assez complexe et en même temps simple à recevoir.

Vous avez déjà monté la pièce en France, pour cette version vous travaillez avec une traduction anglaise de Chris Campbell. Comment est votre anglais?
Il est basique, je me débrouille. C’est pas trop un problème puisque je travaille avec un assistant franco-anglais (Ben Hadley). Dès que j’ai des soucis pour être très précis, il traduit pour moi presque en direct. Du coup je n’ai pas trop de difficultés pour communiquer avec les acteurs. Ça se passe plutôt bien.

Est-ce qu’il y a des choses qui vous ont frappées, des différences notables, entre la versions anglaise et française?

Oui quand même! Il y a une discussion permanente avec Chris Campbell qui a fait une super traduction.
Mais le travail de plateau demande encore un autre travail, car il y a des choses effectivement qui sont dites différemment. Dans la langue de Magali Mougel, il y a parfois des phrases assez directes, très revendiquées. Alors qu’en anglais, de manière culturelle, ces choses sont dites de manière plus passive-agressive. Je dialogue beaucoup avec Chris là-dessus et je lui demande de changer des choses. Par exemple, Suzy dit à moment ‘J’emmerde le monde avec ma faute d’étourderie’. Et bien, je ne sais plus comment Chris avait traduit exactement… mais ça revenait plutôt à dire “je me moque de ce que pense le monde avec ma faute d’étourderie’’… Alors que non, ‘j’emmerde le monde’ c’est plutôt ‘fuck off’…. Avec des phrases de ce genre, il s’agit vraiment de trouver la bonne traduction anglaise, sans perdre la force du texte de Magali. C’est un travail assez passionnant et travailler dans une autre langue c’est comme adapter une pièce, c’est déjà de la mise-en-scène.

Magali Mougel est-elle impliquée dans le travail d’adaptation de cette version anglaise?
Non malheureusement elle avait un contrat de travail ailleurs et n’a pas pu venir.
C’est moi qui fait ce travail et ça me plaît énormément. J’écris moi-même et je m’intéresse beaucoup à la littérature.
Ce travail d’adaptation se fait aussi avec les acteurs dans la salle de répétition, même si le temps de répétition est plus court ici, quatre semaines alors qu’en France c’est plutôt sept à huit… Tout va plus vite et ça influence aussi le jeu chez les acteurs. Les acteurs anglais sont très efficaces, ils ont l’habitude de travailler dans cette efficacité là. Ce n’est pas forcément ce que je cherche, moi, dans le jeu, mais je m’habitue à un autre mode de travail sans déroger à ce que j’aime profondément chez l’acteur: le voir, lui, et le rendre vivant sans montrer qu’il l’est.
Au Gate, on sera dans un dispositif scénique quadri-frontal, il y aura une très grande proximité avec les spectateurs. Parce qu’on sait que le décalage poétique se fera par le texte lui-même, on essayera de créer un rapport très véridique, très réaliste pour être ‘ici et maintenant’ devant les gens.

Est-ce que vous avez fait un travail préparatoire’ spécifique en tant qu’homme pour aborder cette pièce qui nous parle de la condition féminine?
Je m’intéresse depuis longtemps aux personnages féminins principaux, elles sont souvent présentes dans mes pièces. J’ai aussi été élevée par des femmes. Je n’ai donc pas eu besoin de faire un travail spécifique.
L’actrice principale est irlandaise (Caoilfhinion Dunne) et elle me disait qu’en Irlande, aujourd’hui encore, on risque une peine de prison assez importante si on tente de se faire avorter. Donc, oui, c’est encore des sujets qui sont très présents dans la société.
Mais plus que la question de la femme ou du féminisme, là, la vraie question c’est comment sortir des enfermements sociaux. Ca concerne les hommes et femmes, tout le monde, et moi je m’identifie à elle complètement. C’est ça qui est assez troublant dans la pièce: Suzy Storck commet un infanticide et à la fin on comprend l’incompréhensible, on l’accepte même. C’est ça que Magali met en place.

Comment s’est passé le casting? Connaissiez-vous ces comédiens?
Non je ne les connaissais pas mais j’ai vachement fait confiance à Ellen McDougall et je suis venu à Londres au mois de juin faire des auditions. J’ai vu beaucoup de comédiens, c’était vraiment une audition ouverte, comme ça se passe ici. C’était super.
En France, c’est beaucoup plus clanique mais ici, j’ai vu beaucoup d’acteurs de toutes les origines et de toutes les couleurs. C’est beaucoup plus égalitaire et ouvert.

Que considérez-vous être votre rôle, entant que metteur-en-scène sur cette adaptation de Suzie Stork à Londres?
Mettre en scène un trouble.
Ce qui nous trouble crée de la pensée. Je déteste le théâtre qui vient asséner des vérités, qu’elle soient bonnes ou mauvaises. Etre réconforté par quelque chose que l’on sait déjà n’a pas d’intérêt à mes yeux. Avec ce texte, Magali créé vraiment un trouble comme la tragédie antique peut le faire. Qu’est-ce que ça veut dire de tuer-son enfant? Coucher avec sa mère? etc. Je crois que mon rôle c’est de provoquer une émotion pendant le temps du spectacle, puis un trouble qui va créer de la pensée, après le spectacle.